dimanche 15 mars 2009

Le lait est un liquide blanc - Annie Saumont


Je vous le dis tout net, je déteste toute forme de célébration. Ainsi, j'ai fait grève de commémoration pour la journée de la femme ce 8 mars. Entre faux-semblants, vraie-fausse complicité et hypocrisie, l'avalanche était trop importante pour que je me laisse bercer par un discours à la mords-toi-la-queue-si-tu-peux. Des journées faux-cul comme celle-là, merci bien !
ruminancesfemme.jpgCela étant, je m'aperçois avec perplexité que depuis que je propose mes modestes chroniques aucun auteur féminin n'a eu droit à la moindre illustration dans cette rubrique. Cependant, ne voyez là aucun sentiment d'ostracisme de ma part. Pour tout dire, j'adore lire les écrivaines. Elles ont, tatoué sur les doigts, le secret d'un parfum envoutant.
Je laisserai de côté, évidemment, les Yourcenar, Beauvoir, Duras et autres Françoise Sagan… J'aime chez la femme son côté naturellement insolite. Son sens inné de la surprise et cette façon particulière qu'elle a de vous faire croire que vous avez du génie sans éprouver d'autre sentiment que celui de vous avoir aidé à vous surpasser, même si vous êtes passablement idiot.
L'ami qui m'avait fait parvenir l'exemplaire du livre du jour s'était donné la peine de me le dédicacer : « Même si on meurt bronzé, faut pas mourir idiot. » Il l'avait lu, aimé et éprouvé l'envie immédiate de le faire tourner dans le désert foisonnant de mon insularité.
En littérature, l'art de la nouvelle nécessite beaucoup, beaucoup de talent. Cela ne s'apprend ni ne s'improvise pas. La nouvelle c'est comme les grains de beauté, on naît avec ou pas. Combien d'amateurs s'y sont cassé les dents ? Cela n'est point le cas de Madame Annie Saumont. Si vous n'avez pas lu de cette dame le moindre livre, il n'est pas trop tard pour se laisser aller à la découverte d'un esprit d'une rare et belle subtilité.
Parmi la quinzaine de nouvelles (toutes excellentes) du recueil « Le lait est un liquide blanc », Iéna est un tout immarcescible : une bataille napoléonienne, le nom d'une station du métro parisien et une rupture amoureuse. Un peu plus de trois petites pages pour un voyage d'une géniale simplicité.
Elle dit quoi, Annie Saumont ? Beaucoup de choses. C'est qu'elle a un sacré volume de jeu, la dame, pour employer une expression très tendance chez les commentateurs sportifs. Voici ce qu'elle écrit. Ne vous fiez pas à la ponctuation, c'est la sienne et c'est très bien ainsi : « les déchirés les transpercés les fracassés les éclatés. Maudits, écrasés, mutilés, rompus, éviscérés. A Iéna. Ceux qui n'ont pas su échapper à la conscription, qu'on a débusqués hors de leurs cachettes, ceux qui se sont vendus pour une maigre solde. Ceux qui ont revêtu l'uniforme par simple désir de gloire. Par jeu. Par bravade. Fiers de servir un homme qui se prend pour un dieu. Ceux qui ont accusé le Destin quand déjà les balles leur traversaient le torse, quand la baïonnette leur ouvrait le ventre, quand un boulet leur arrachait les couilles. »
Pour son talent, pour sa finesse et pour sa force ce livre de nouvelles, plein de bonnes nouvelles, est une bonne manière de célébrer la femme toute l'année.

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