dimanche 24 mai 2009

Les mendiants – Louis-René Des Forêts


Si l'enfance est le port de toutes les angoisses, de tous les rires, de tous les bonheurs, de tous les désordres et de toutes les perspectives, mon grenier en est l'échancrure. Il est l'estuaire d'une nécessité inaltérable.
Si passer sa vie à lire, à découvrir et à partager passe pour un luxe aux yeux des gens pressés, ce luxe a un prix, je persiste et je signe : lire est le négatif sur lequel est fixé l'ombre et sa lumière.
Lire c'est inventer quelque chose qui n'existe pas. Du moins pas encore. Mais ces réalités paradoxales ont ceci de tangible : c'est quand on les oublie qu'on mesure le vide qu'elles laissent. Mais que le tcheuf tcheuf du moteur vienne par hasard à se faire entendre dans le subtil réseau des exigences et c'est tout un pan de l'histoire universelle qui se met à virevolter dans votre tête pour un inévitable come back.
Qui dit enfance, dit grenier, dit vieille malle qu'on ouvre comme on découvre une vie avant la vie. Cette cantine à l'intérieur de laquelle ondoie la cartographie du monde intérieur que la mémoire préserve comme ultime refuge. L'endroit où sont conservés les objets les plus incongrus et des choses beaucoup plus secrètes. Le lieu où votre coeur entend la rumeur des galets sous la houle tranquille ou le terrible grondement des orages pendant la tempête. Le coffre de toutes les émotions, l'océan de toutes les passions réduit aux dimensions d'un simple objet de fabrication artisanale ! Si nous devions rendre réelle la somme de toutes ces miniatures nous découvririons avec perplexité que notre planète ne suffirait point à contenir sa totalité. Elle serait pour ainsi dire ridiculement petite !
Pas facile d'entendre l'écho et son murmure dans le vacarme du présent. Le grenier de monsieur Louis-René Des Forêts recèle tant de choses ! Tout est extraordinairement supérieur dans les pages que l'auteur des mendiants soumet à notre curiosité. N'importe quelle petite misère devient par le sortilège des émotions drame shakespearien. N'importe quelle nullité devient par la conscience ou l'inconscience de l'esprit, l'acte fondateur d'une geste féodale à jamais gravée dans le marbre de l'histoire.
C'est à cela que ressemble «Les Mendiants » de Louis-René Des Forêts. L'éditeur parle de ce livre comme d'un roman divisé en trois parties et trente-cinq monologues. Je lisais le contenu de cette note dans mon grenier avant de l'emprunter pour relecture. Il ajoute qu'il s'agit aussi d'une construction polyphonique. J'ignore ce que le mot polyphonie évoque chez vous mais en ce qui me concerne il a suffit pour que je me laisse embarquer pour un second voyage avec un écrivain d'une grande originalité.
Un livre qui résiste à la crise, c'est assez rare pour se laisser convaincre.

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