vendredi 16 août 2013

Plume(s), de Rémi Bégouen, les contrées aurifères

Couverture retouchée par M art' IN
Sitôt publié son essai "Jeune utopie & Anarchie manifeste", pressé par je ne sais quelle urgence, Rémi s'est plongé dans le fatras de ses notes, accumulées depuis près de 40 ans, pour nous offrir, dans un battement d'ailes, la grammaire de ses émotions humaines et poétiques, faites de rencontres, d'amitié et de fragments de vies que le hasard, toujours lui, a déposé au pied de son parcours singulier, pour aider la mémoire à confectionner un fort joli bouquet sous le titre "Plume(s)", destiné aux siens pour donner à lire à sa descendance "un peu de ce que j'estime devoir être", écrit-il. Avec Rémi, quand on dit, les "siens", il faut toujours détailler, car les siens c'est quasiment toujours nous tous, sa famille humaine. Sauf que dans le cas de ces "Plume(s)", les siens sont effectivement les siens, sa chair et son sang, pour que, plus tard, sa tribu garde trace de ses complexes et multiples pérégrinations dans le chaos de la vie. Alors il a ordonné et coordonné, lustré, cette plume tatouée par l'objectif de son appareil dans la rouille du temps. Une cinquantaine de pages format A4, nourries de textes courts où il n'est question que d'amour, d'amitié et de fraternité. 
Extraits aléatoires, forcément arbitraires :
"Lili, avec deux ailes", page 4 : "Lili est une très belle jeune femme d'environ 40 ans. Je l'ai connue il y a plus de vingt ans. Elle était magnifique jeune fille, plutôt gamine espiègle, à son premier emploi de serveuse dans un bistrot... C'était dans la lumière de l'été et avec son joyeux consentement que j'ai fait mes premières photos d'elle. Qui restent sans aucun doute les plus belles de toutes celles que j'ai faites... Perdue de vue, "Lili est réapparue comme ça, à l'improviste, munie de deux L... comme dans le mot alcool. Ses ailes de lumière en avaient pris un coup, un coup de trop, mais la lumière angélique était bien là, dans l'éclat de ses yeux, son sourire, ses bises..." 
"La poésie ?... La peau aussi !", page 12 : 
"Je crois avoir vaguement rêvé d'être missionnaire et, ouf, j'en ai été vite détourné par mes calamiteuses années de pensionnat, exilé en humide France (Amiens 1953 à quatorze ans), brutalement arraché au soleil d'Egypte"... Il l'a échappé belle, en effet. Bien qu'imaginer l'ami Rémi en missionnaire dissident chez les réducteurs de tête à Bornéo, livrant sa vision de la Commune dans l'exercice de son ministère aurait été chose fendante !... 
Puis viennent les "plumes amies", celles qui le maintiennent en état de poésie permanent. Les connues (Rimbaud, Apollinaire, Queneau, Ferré, Depestre...), les moins connues et les carrément anonymes, comme cette dame Emme signant des "lettres à l'indien" d'une formidable beauté : 
"A l'Indien... ni loup, ni chien (peut-être... RIEN de ce tout) J'ai écrit une lettre, j'en ai écrit plein. J'ai tracé des lignes parce que je ne pouvais parler ; mes murs n'ont pas d'oreilles sinon ils auraient bien compris, ils m'auraient consolée, conseillée, recueillie, épaulée ; mes murs, au fond, ne sont que des murs sans prétention."... 
Puis il y a Jean Firmann, l'ami helvète de toujours, poète insolite, arpenteur des "Eaux-Vives", acharniste des saisons rouges, dont je reproduis in-extenso "sous la clef le paillasson". Pourquoi ? Lisez et vous saurez  : 

Pars ce soir, dans la nuit délicate maure 
Dans la nuit de gidouille, de fracangle et d'acier. 
Pars, 
tu dormiras quand tu pourras, 
tête nue au creux strident de ton futur de bombes et de plumages. 
Fonce ce soir dans les cirques sabres tirés 
dans les cirques implacables de ton futur à faire 
Dans les cirques cercles tambours, 
rotors surbrassant, triplequadruple tendres. 
Pars, 
tes cheveux dressés sur la tête, 
très hauts et légers et flumineux transaigus, 
tes cheveux oriflagues flottant-claque sur la tête. 
Tes cheveux soulevés plumivagues.
Tes cheveux levés millemouille 
dans le souffle torrentiel de ton bide ventrevent. 
Nage, 
nage dans cette nuit, 
à pleine embrasse, à plein gorge, à pètemuscle, 
à coeur craqué, à coeur surcognant 
et contrecontreboumboumant. 
Secoue tes prunes, 
fais grésiller minium les groseilles si bleues 
de ta nuque à l'amarre. 
Ta mémoire future, tes souvenavenirs 
seront coulés bientôt dans des moules aussi durs 
que le plein midi des jours, 
aussi feux que tu l'espères 
dans le silence assoiffé de tes paupières. 
Soubressaut frontal de ton crâne-spéléo. 
Il faut encore tenter de vivre. 
L'espoir est habitable. 

Plume(s) -Rémi Bégouen. Pour commande et contact : remi.begouen@free.fr

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