dimanche 29 septembre 2013

Un homme, une vie : Victor Nazaire

Victor Nazaire – à ne pas confondre avec son homonyme musicien - est assurément le nazairien le plus cosmopolite et le poète et écrivain le plus ignoré de France.
En fouillant mes archives – eh, oui, de temps en temps, il faut mettre main au panier – je suis tombé sur une note dans laquelle un certain R.B., pierre angulaire d'un réseau SNAZ ?, retranscrit le témoignage, bestialement amputé, d'un dénommé Diego Jimenez Béhémerid, biographe de métier, qui authentifie Victor Nazaire comme un poète de génie et, à ce titre, j'ai souhaité, en ce dimanche de la saint Gaby, vous faire partager le coup de cœur. Voici son témoignage : 
« La première fois que j'entendis le nom de Victor Nazaire fut aussi celle où je traçais un cercle rouge sur la carte de France, exactement sur la ville portuaire de Saint-Nazaire, d'où était originaire le plus singulier des poètes hispaniques. 
Sous la dictature de Franco, les grands poètes encore vivants étaient, soit en prison, soit passés par les armes, ou avaient choisi le chemin de l'exil... Il n'y avait pas que les taureaux qu'on mettait à la saignée au pays de Cervantès et de Miguel de Unamuno...
Don Eduardo Cuevas Izquierdo, notre sage et discret professeur à tout faire, nous proposait parfois, au milieu des poètes officiels, tous ennuyeux, des textes inconnus dont il fallait traverser le miroir, avec discrétion et fermeté. C'est ainsi qu'il présenta Victor Nazaire. Pour émoustiller notre curiosité, en distribuant les copies, il dit : « Je vous demande, après lecture de ces textes, de vous rendre à l'heure du crépuscule sur le bord de la mer et d'attendre que l'écharpe de l'horizon scintillant vous enveloppe et vous emporte où le destin le doit. L'Espagne peut se flatter de le compter parmi ses meilleurs fils d'adoption. » 
Je découvrais, dans la première strophe de son poème phare, « Ailleurs, mais toujours là », un Victor Nazaire d'inspiration très moderne pour son époque (1802-1885) que je cite de mémoire chaque fois que l'occasion m'est donnée : « Navire en partance/Sur l'océan en folie/L'équipage balance/Sur la houle éblouie »...Un clin d’œil à son romantique prédécesseur José de Espronceda.  
C'est par une « nuit sans lune », poursuivi par une meute de maris bafoués, la lame brillante, le tenant pour responsable d'avoir perverti des épouses refoulées en partageant avec elles l'ivresse des buissons ardents que Victor quittait les docks de Sain-Nazaire, la sueur aux tempes, à bord d'un navire en partance pour Malte, dont le capitaine était un oncle éloigné qui admirait ses prouesses de Don Juan...
... Débarqué à Malte, en très peu de temps, il fut jugé persona non grata et ne dut son salut qu'aux Chevaliers de Rhodes qui le firent déguerpir en l'embarquant dans un bateau qui faisait route pour Carthagène, ville située dans le sud-est de l'Espagne. Il avait alors 40 ans.
... Jusqu'à l'âge de 80 ans, il vécut en Andalousie, épousant la cause des paysans, militant et écrivant dans le colonnes de Tierra y Libertad des articles vitriolés contre le pouvoir politique et l'obscurantisme religieux. Arrêté et jugé à Jerez de la Frontera comme « activiste dangereux », il fut condamné à cinq ans de prison et ne dut son salut qu'à l'intervention du représentant diplomatique de la France en Espagne. Le peuple andalou le proclama « fils naturel » et le célèbre encore de nos jours comme « homme de bien ».
Si vos pas vous conduisent dans la ville de Ronda, dans la province de Malaga,
pas loin du plateau rocheux, entaillé par une faille de 160 mètres de profondeur, vous trouverez, outre un Paseo E. Hemingway, une modeste maison aux murs chaulés de blanc, le musée que la ville lui consacre. Une plaque est apposée portant l'inscription suivante : ici vécut le poète le plus libre, le plus ibérique et le plus pillé de sa génération : Victorio Nazario , 1802-1885.
C'est finalement à Saint-Nazaire qu'il s'éteignit par une nuit sans lune, alors qu'il contemplait, assis sur un rocher, l'endroit où la Loire se jette dans l'océan. Il avait la nostalgie du pays et avait souhaité venir se recueillir sur la tombe de l'Angela-de-l'Estuaire, sa muse, le seul ange sexué dont Victor Nazaire savoura le sexe jusqu'à l'ivresse.
Il est étrange - mais nullement surprenant - que la France, un si grand pays, ne fasse cas d'un poète aussi original en éditant ses œuvres... Lire Victor Nazaire aujourd'hui, c'est entendre un son, une mélodie, des idées, très éloignées de la fatuité du présent... »
 
Ici se finit ce témoignage captivant. Souhaitons qu'un éditeur malin fasse le nécessaire pour donner enfin la place que Victor Nazaire mérite dans le panthéon des lettres françaises.  La Mairie de Saint-Nazaire avait, dans les années 84-85, baptisé une Place à son nom - je possède encore la photo quelque part -, puis l'avait débaptisée presque aussitôt, sans aucune explication. Pourquoi ?... 
Dimanche prochain je vous proposerai des poèmes choisis, publiés à l'initiative des Amis de Victor Nazaire, la réhabilitation.

5 commentaires:

  1. Bonjour les gens. Temps à la botte.
    Précisément. L’Italie serait l'otage d'un hors-la loi ? Berlusconi : l’homme qui tient tout un pays en otage .
    Et à Fukushima, ça chauffe toujours autant ? Les Pieds Nickelés filtrent .
    Clair, clair, c'est vite dit. En tout cas à Saint-Naz, ils ont leur petite idée sur la question que ça vous éclaire tout un rayon !
    C'est clair .

    RépondreSupprimer
  2. L'histoire du saint poète Nazaire fait du bien dans ce monde de brutes.
    Je viens d'aller faire un tour sur http://fukushima.over-blog.fr

    RépondreSupprimer
  3. J'ai idée, cher adepte de la branche espagnole de la secte adoratrice du Dieu Victor Nazaire, que cet article va faire du bruit dans le Grand Landerneau des nombreux adeptes (j'en suis!), de l'Andalousie à Malte en passant par les Sept-Iles et le Petit-Maroc...
    Ce lieu baptisé "Petit-Maroc" est aujourd'hui celui, officiel, du tout premier site du village portuaire (de pêcheurs-contrebandiers-pirates) devenu berceau de l'actuelle ville et port de Saint-Nazaire.
    Il est désormais établi que notre poète émérite posa bien son cul méditatif sur le rocher qu'évoque ton article, pour y pondre l'un de ses plus lyriques poèmes (dont nous ne possédons que des fragments épars et controversés).
    Notre Grand Victor ne possédant pas encore la maîtrise de la langue bretonne (qu'il pratiqua plus tard de Perros-Guirrec à Roscoff) déforma le nom originel, celte, du rocher où il tant médita, à cet endroit stratégique où l'estuaire de la Loire s'abandonne à la mer océane...
    Ce nom poético-exotique de "Petit-Maroc" perdura au détriment du nom primitif plus rocailleux... Pourquoi? : parce que de sympathiques flibustiers marocains étaient en cheville avec ceux de l'estuaire de la Loire et qu'ils débarquaient là leurs riches camelotes de maroquineries et autres produits précieux, damasseries, parfums d'Arabie, etc.
    Je suis actuellement en contact avec certains dissidents (dits gibraltariens, du nom du célèbre autre rocher du détroit) de la religion victoro-nazairienne. Secte qui concerne le triangle que forment les villes-ports de Algésiras, Tanger et Ceuta...
    Les recherches continuent, on discute et rimaille et s'entretue (par excommunications réciproques) avec le très vif désir d'un premier conclave d'unification de la nouvelle religion anarco-poétique victorienne, comprenant bien sûr nos frères dissidents de Montevideo, de Dublin, etc.
    Bref, vive Victor Nazaire !!!

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Comme tu dis ! Va être temps de surmonter les division, de colmater la béance des egos et de s'atteler à confédérer le tout sous la bannière de l'intellectualité vivifiante de Victor-Victorio !

      Supprimer