mercredi 10 septembre 2014

Du Sens dans l'Artche

Illustration Miguel P. Diaz
Peu de réactions ce lundi et ce mardi au magnifique papier de Jean Firmann et je le déplore un brin. Sûr qu'il a déjà digéré cela sans état d'âme, le ventre et l'esprit étant des machines hyper-complexes, capables de tout absorber et de tout digérer. Non seulement nous digérons la vache, le cochon, le poulet boosté aux antibiotiques et le mouton à cinq pattes, ce qui est déjà pas mal, mais aussi des choses beaucoup moins comestibles, c'est dire si l'artiste a encore de l'avenir à partager et des brèches à colmater.
Faut-il en déduire que le papier de Jean, plein d'une poésie majestueuse, a déplu ? Que la poésie reste ce domaine mystérieux inspirant le respect, voire une forme de crainte ? Crainte d'apparaître maladroit et nul au moment de la commenter ? Que, bloqué, le lecteur joue la carte de l'abstention pour éviter l'impair ? Il y a peut-être un peu de cela, dans ce manque, tant nous sommes habitués à ne pénétrer la planète poétique qu'avec l'idée préconçue qu'elle est ce patrimoine étrange, mystérieusement enclavé dans une autre dimension, uniquement réservé à une élite. Un espace d'où nous serions résolument exclus, de la même façon que nous le sommes devant le mur d'une société fractionnée, violemment injuste, à l'intérieure de laquelle le pion est formaté dès la naissance pour devenir le petit soldat qu'on sacrifie, sans autre destin que celui de n'être que ce morceau de chair asexué, dépourvu de pensée, d'amour, d'émotion, de sensations et de colère qu'on ouvrage pour lui ôter cette chose extraordinaire dont il ne cesse d'entendre les palpitations intérieures comme s'il s'agissait d'un corps étranger qu'il faut à tout prix éradiquer.
Non seulement je m'insurge contre ce genre de pensée, mais je reste persuadé que tant que l'artiste, caché ou proclamé, quel que soit son domaine d'expression, n'enverra pas valdinguer ce vieux complexe scolaire, cette tumeur atavique, la déformation politique et les valeurs qui le rendent esclave d'une machine à décerveler, nous n'aurons d'autre statut à faire valoir que celui de soumis, nés pour vivre comme des taupes.  
C'était tout le contenu de la réunion groupant les artistes membres de l'Artche des Sens, Place des Halles à Saint-Brieuc, lundi dernier. D'où le besoin exprimé par chacun lors du tour de table de faire bloc en affirmant une démarche poétique moins isolée, toujours libre, gardant à l'esprit qu'il n'y a que par la solidarité qu'on peut encore se faire entendre le mieux.
Des projets sont en chantier dont nous en ferons état le moment venu.


Sous l'casque d'Erby


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