samedi 22 août 2009

Le dernier mousse – Antartida - Francisco Coloane

L'Allumeur de rêves berbères – Mohand Fellag
Les amis sont épatants. J'aime la facilité avec laquelle ils vous hissent en haut du mât de l'amitié, vous encourageant à montrer les limites de votre savoir ou de vos compétences. Rémi Zetwal (avec i latin pour Rémi, s'il vous plaît !) est de ces amis. Pourquoi Zetwal ? Parce que zetwal signifie étoile en créole martiniquais et que étoile est le signe avec lequel il ponctue le i latin de son prénom.
Zetwal est donc la rencontre de Rémi avec le parlé du monde. Il me dérange dans ma quiétude ruminante pour m'apprendre ça et m'apporter une idée de chronique pour mes notes de lecture. Joignant l'acte à la parole, je reçois par la poste un petit livre à chroniquer.
Parler de ce livre c'est parler de moi. L'auteur est kabyle et moi je suis né en pays berbère. Lui en Algérie, moi au Maroc. Je ne sais pas si vous l'avez remarqué mais je ne parle ici que de livres ou d'auteurs que j'aime. Le temps qui m'est imparti dans ce quotidien affolant est si court que je juge inutile de m'attarder sur des livres que je n'aime pas ou sur ceux que je trouve foncièrement mauvais. Ainsi, nul n'est fâché et j'ai économisé un temps précieux pour contempler ne serait-ce que la brillance d'un ciel d'été. Ou d'automne, peu importe la saison du reste. Un ciel où les étoiles sont aussi grosses que mon poing et la lune aussi bleue qu'une orange comme l'écrivait un poète célèbre. Cela fait plus ou moins de trente ans que nous sommes amis et une chose est sûre : cela ne fait pas trente ans pile. Ça sent mauvais les amitiés de trente ans !
La première fois que nous nous sommes croisés avec Rémi, Sabrina avait des problèmes de soutif au bord de la piscine et elle chantait Boys, boys, boys… Évidemment, ça ne valait pas tripette mais sa paire incitait à la paillardise pour rester dans les limites autorisées par la bienséance. J'habitais à l'époque une île du Ponant, la plus belle dit-on. Je ne suis pas loin de le penser. Rémi Zetwal est arrivé de Genève pour une expo photo dans le cadre d'une fête organisée par des insulaires hurluberlus. A l'époque, la photo était sa passion. La photo et la poésie. Il intitulait ses expos « Phoésie ». Il aime les mots valises, Rémi Zetwal. Nous devions jouer sur le bord de la grève « La Chasse au Snark ». Le metteur en scène m'avait attribué le rôle de l'homme à la cloche. Tu parles d'une affaire !
L'été étant la saison idéale pour frétiller dans le bain des insouciances, je finissais la lecture du « Dernier mousse » de Francisco Coloane et m'apprêtais à rédiger une note sur cet auteur, magnifique romancier et nouvelliste chilien. Ce petit livre avec son pendant « Antartida » retrace les retrouvailles et le périple d'Alejandro et Manuel Silva Cáceres, au-delà des eaux redoutables du Cap Horn, sur les terres australes., dans un décor à couper le souffle, dans une des régions les plus sauvages et solitaires qui soit. Dans le pays des loutres et des indiens Yaghan. Des hommes qui connaissent le sud comme nous n'avons pas envie de connaître notre âme. Petits livres magnifiques d'un conteur extraordinaire dans un voyage initiatique de toute beauté. Bourré de bonnes intentions, poétique, onirique, écologique, dans ce que l'écologie a de sain et d'honnête. Des récits aux trésors fantastiques où comme le dit Manuel, le frère d'Alejandro : « Nous sommes comme les glaces, la vie nous fait parfois chavirer et nous change de forme. » Cela se lit en deux coup de cuiller à pot et ça vous remue positivent l'esprit.
J'en étais là quand je reçus par courrier ceci : « J'ose espérer que tu vas te fendre d'une chronique et à toute fin utile je t'indique la page 198… » Rien que ça ! Je ne partage pas tous les choix de lecture de Rémi Zetwal (une très, très grande partie, oui) mais s'agissant de Fellag je ne peux qu'applaudir. J'avais entre les mains un exemplaire de « l'Allumeur de rêves berbères ». J'avais précédemment lu « Comment réussir un bon petit couscous ». Un livre fondant dans lequel il était question de couscous et de « complexe de la merguez », et « les peurs ancestrales des circoncissions ratées. » où l'auteur prouve avec un brio exceptionnel pourquoi Freud n'est pas « d'origine viking, mais d'origine contrôlée ». Je me retrouvais plongé dans l'ambiance d'un pays (mon pays) vivant et coloré ou la pénurie d'eau conjuguée à la mécanique de la débrouille et de l'éternel espoir provoque et développe de l'humour noir en quantité suffisante pour résister à n'importe quelle invasion de type religieux ou philosophique. C'est le propre de l'homme libre et du berbère en particulier que de s'amuser des choses qui ailleurs font pleurer. Fellag a ce talent extraordinaire. Si j'avais le même, vous seriez déjà en train de lire ce livre vous tapant le cul par terre, priant Allah pour qu'il foute la paix à ces frères de la « zone couscous » qui font de la vie un paradis pour le rire.
En cette période de grisaille politique, économique et culturelle, pisser de rire dans son froc n'est pas un acte d'incontinence gênant, mais pourrait devenir un geste politique d'envergure.

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