mercredi 22 juillet 2009

Diable, Dieu et autres contes de menterie – Pierre Gripari

Il écrit des contes pour gagner sa vie et aussi pour le plaisir d'avoir plaisir à se raconter des histoires, pour donner au présent les couleurs oubliées de l'enfance, sans trop s'écarter de la réalité, ou juste le temps qu'il faut pour une belle escapade. C'est un plongeon dans la conscience de notre fantaisie. Un exercice périlleux pour l'écrivain, mais ô combien satisfaisant quand la réussite vient couronner l'effort d'un compliment unanime, et plus encore quand le travail résiste au temps et aux modes.
Pas plus long que la chronique d'un magazine prétentieux supposé « engagé », aussi agréable à lire qu'une évocation personnelle du passé dans le mensonge du présent, orteils au repos sur le sable chaud, le conte (ou la nouvelle) est un genre qui ne perturbera pas votre emploi du temps de personne pressée, même en vacances. Il apportera une fraîcheur océanique dans l'accablement caniculaire de votre imagination. Il vous aidera à écarter une actualité sociale et politique d'une obscénité estampillée AOC.
Composé de douze contes, ce livre se lit comme on boit un vin délicieux. Chaque gorgée représentant un détour dans les chemins capricieux de la création, le souvenir pour viatique. Ce livre est un miroir monté en facettes. Aucun angle ne donnant le profil désiré mais apportant un éclairage si précis et si particulier que même l'auteur semble surpris par la vue aérienne de cet ensemble. Avec la légèreté de l'éther, sans donner le sentiment de vouloir s'y attarder, l'auteur met en relief les turpitudes du monde et des gens qui l'occupent sans jamais céder aux tentations du discours moralisateur. Sa morale à lui consistant à éviter le pathétisme de la leçon donnée.
« La torture démocratique » selon Mohamed Hernandez dans « Chronique du surhomme » est un moment de plaisir extrême. Les déclarations de madame Aïcha Hernandez défendant l'honneur bafoué de son fils, devant la « calomnie » qui s'abat sur lui, un « enfant très doux, très affectueux, incapable de faire du mal à une mouche… » ne font qu'ajouter du plaisir à la jubilation. Malgré cela, Mohamed Hernandez restera « aux yeux de la postérité comme le très célèbre inventeur de la torture psychique… »
A peine paraboliques, ces contes ajouteront à la lumière estivale la part d'ombre, de légendes et de magie qu'il faut pour vous offrir en guise de cadeau cette part sublime de poésie que le quotidien nous dérobe à chaque instant. Quand on songe plus loin, dans une autre histoire, à ce pauvre apôtre de l'athéisme remontant le temps pour se retrouver dans la peau de celui qui n'existe pas et qu'il combat de toutes ses forces, le Christ, obligé de jouer le rôle de sa vie en subissant les lois de l'insondable mystère des alchimies, on se dit qu'ironie et sarcasme sont au rendez-vous de l'éclat de rire. Savoureux !
Pierre Gripari a écrit ces histoires dans les années soixante du siècle dernier, entre 59 et 65. Serties dans un métal incrusté, leur lecture est un étonnement de tous les instants. Tous les contes de ce recueil sont bons. Libre à chacun ensuite d'avoir des préférences. Je les aimes tous, mais, comme chacun, j'ai mes “faiblesses”. « Midi » fait partie de ces « faiblesses ». Le coup de projecteur sur un Paris mélancolique m'a beaucoup surpris et séduit. Vous n'y échapperez pas, vous non plus. Il est midi longtemps après l'heure de midi. Et bien longtemps après le passage des aiguilles, il est toujours midi. Et le temps passe, passe, passe… Quelle heure est-il ?… Midi, monsieur. Il est midi !
Voilà une bonne nouvelle.

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