lundi 14 septembre 2009

Papiers collés – Georges Perros


Je n'ai aucun critère dans le choix d'un livre. Aucune directive ne me guide vers tel bouquin plutôt que vers tel autre. Le hasard est mon seul carburant. Aucun éditeur pour me contraindre à parler de tel ou tel navet pour les besoins libéraux d'une entreprise prenant le livre pour un objet et l'objet pour de la littérature ou de la philosophie. Parfois c'est bien, voire très bien, et cela me rend heureux. Souvent, c'est très mauvais et cela me met en rage. C'est pour cela que je préfère le terme de chronique à celui de critique. Critique de quoi ?
Quand je file dans mon grenier, je cherche un peu de quiétude et le plaisir solitaire du silence qui m'entoure, à l'écart des doigtés politicards des uns, loin du propos raciste des autres et de cette obscénité qui pourrit la vie du monde et des gens.
Sentir l'odeur indéfinissable du papier qui dort. Entendre le bruit d'une respiration apaisée et me demander quel phénomène est à l'origine de ma présence dans cet espace à la fois minuscule et immense. Cela est pour moi la source d'un plaisir dont je revendique le besoin. Qu'on le veuille ou non, une bibliothèque est aussi vaste que l'univers et aussi discrète que les choses qu'on ignore. Quand Rémi Zetwal a appris que j'allais toucher un mot sur Georges Perros, il s'est dépêché de me proposer un titre de sa bibliothèque, soulignant de sa voix usée par des plaisirs iconoclastes : “tu le lis et tu me le renvoies.” Ma réponse est toujours la même : “Évidemment ! Tu me connais.” C'est ainsi que je me retrouve avec tout un rayon de bibliothèque rempli de livres de l'ami nazairien.
Georges Perros n'était pas un homme de choix mais de préférence. A la capitale, il a préféré la Bretagne. A un mauvais ouvrage, il préférait un bon article. La subtilité qui sépare (ou réunit) ces deux termes le définit beaucoup mieux que ne pourraient le situer des dizaines d'études. Comme un livre est une histoire de sensations, celui de Georges Perros l'est assurément autant que n'importe quel grand livre de n'importe quel très grand auteur.
Ces “papiers collés“, publiés après sa mort, est le troisième d'une quête permanente du bien-être dans la pénombre de son contraire. Voici un livre rare. Un livre en trois volumes qu'on lit sans aucun souci de l'ordre ni des règles. Rien ne nous oblige à tout lire d'un coup. Ni, non plus, à entreprendre sa lecture, par le début. Vous l'ouvrez n'importe où, vous lisez, c'est tout. Un livre qui s'est construit au hasard de l'humeur de l'auteur. Sans doute pendant la période où il travaillait en qualité de lecteur chez Gallimard. Quel boulot ! Gagner sa vie en perdant ses yeux et parfois son temps, lisant des choses qu'on chercherait plutôt à fuir. Y a pas à dire : il n'existe pas de travail heureux ! Pour se distraire, pour combler une halte ou remplir un vide, il jetait des notes sur un cahier, comme pour libérer son esprit d'on ne sait quel malaise. D'où un sentiment de tristesse et parfois de ras-le-bol !
Né à Paris en 1923, Georges Perros a été comédien à la Comédie Française avant de devenir lecteur de la NRF, grâce à l'intervention de Jean Grenier que j'ai déjà évoqué ici même. Il était aussi l'ami de Gérard Philippe dont il lisait des manuscrits pour le TNP (Théâtre National Populaire).
Ayant préféré la Bretagne à Paris il s'installe avec femme et enfants à Douarnenez où il meurt à l'âge de 55 ans. C'était un jour comme un autre. Un jour où « l'horloge sonne. C'est le temps qui tâte son pouls. »
Les “papiers collés” que je viens de terminer est publié dans la collection l'imaginaire de Gallimard. Un gars qui écrit, entre autres choses magnifiques : “notre postérité c'est le présent“, on se dépêche d'aller le découvrir.

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