vendredi 2 octobre 2009

Je suis le gardien du phare et autres récits – Eric Faye


Chacun fait ce qu'il peut pour mettre la vie au centre de ses préoccupations morales et intellectuelles. Pour améliorer la qualité du fil qu'on tisse inlassablement d'une génération à l'autre. Faisant de cet acte l'accord majeur de ma musique, c'est dans les bulles du champagne idéal que j'aimerais voir progresser l'humanité et non dans cette athrepsie qui nous tient lieu d'existence et que certains politiques célèbrent comme étant le seul exemple à suivre.
La vie est comme un livre et le livre comme un train qui croise la vie sans jamais s'arrêter. Dans cette agitation permanente, des gens naissent, vivent, rient, pleurent et meurent ayant pour obsession le nom de cette gare utopique dans laquelle le train finira par s'arrêter un jour ou l'autre.
Le visage collé à la vitre, le halo de la buée décrivant un cercle difforme, absorbé par le cri des essieux sous les wagons, le passager est magnétisé par l'immobilité. Le temps passé et le temps présent suspendus à la nébuleuse des temps futurs.
Chaque livre a une histoire. Un parcours. Le livre est un être à part entière. Il a des choses à partager et d'autres qu'il garde pour lui. C'est cela la magie d'un livre : les choses qu'on découvre au moment de sa lecture et celles qui vous arrivent à l'esprit beaucoup plus tard.
J'aime la musique d'Éric Faye. Elle est un contrepoint à l'agitation que traverse l'époque. Ce livre est constitué de neuf récits que la critique a célébré lors de sa sortie avec plus ou moins de complaisance. Il se reposait dans mon grenier, lorsque, hier, je suis passé à sa hauteur…
Chaque personnage de ces récits est un anonyme empruntant à l'auteur une facette qu'il dispose au hasard de ses pas pour construire un ensemble d'où se dégage un regard distancié mais pas naïf sur l'histoire d'une époque perdue au milieu de ses mensonges.
C'est une façon non pas de fuir, puisque la chose est impossible, l'auteur sait ça mieux que personne, mais de passer d'un sujet à un suivant dans une réflexion d'où il ressortira que le voyage valait la peine d'être vécu, même si le résultat n'est pas toujours celui qu'on pensait pouvoir obtenir. Et pour cause !
Écrits entre 1990 et 1997, ces récits sont une tentative de réponse fantastique à une question qui ne l'est pas : « l'homme peut-il encore fuir le pluriel au profit du singulier ?... » Quelle qu'en soit la réponse ou la posture de chacun, au fond, nul n'est dupe.
Jonglant avec le temps son esprit épouse les formes réversibles de l'histoire et des personnages, modelant le tout dans un ensemble très utopique, tant et si bien qu'au fur et à mesure de la lecture on s'aperçoit que l'utopie n'est pas un concept publicitaire, ni une idéologie totalitaire vous imposant le bonheur à coups d'amputations, mais, au contraire, cette chose infiniment subtile que l'on porte en soi et que nous cherchons souvent dans des paradis lointains.
J'avais lu avant « Je suis le gardien du phare » un autre livre d'Éric Faye, « Les lumières fossiles », avec le même bonheur.
Si ça vous dis… Ça changera un peu de la grisaille qui gouverne notre quotidien.

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