mercredi 10 février 2010

Le tout sur le tout - Henri Calet


Je n'ai qu'un mot à dire, ou plusieurs. Je ne suis pas à un mot près. Je félicite avec enthousiasme monsieur Jean-Baptiste Botul. Un citoyen instruit qui sait voyager et faire rire son prochain. Je n'ai aucune photo de lui pour illustrer le propos du jour. Dommage. J'aurais tant aimé vous montrer sa trogne. Une autre fois. Grâce à monsieur Botul, le Paraguay connaît monsieur Bernard-Henri Lévy, philosophe mondain, un peu égrotant et fort crétin, qui ne parle que de choses graves dans des palaces cinq étoiles. Ainsi va la philo.
Vous allez trouver cela suspect (tant pis) mais c'est encore guidé par le conseil de Didier Goux que, après lecture de « la rue des maléfices », de Jacques Yonnet, livre insolite traitant de Paris, de son histoire, de sortilège et de la Mouffe, c'est au tour d'un autre parigot de talent, mais dans un autre registre, Henri Calet, d'enrichir cet espace de sa démarche élégante et mélancolique. Si ça continue, je vais finir par revenir m'installer dans la capitale que j'ai fui pour la Bretagne il y a plus de trente ans. Avec un tel panel littéraire, Paris peut ronquer sur ses deux oreilles.
Raymond Théodore Barthelmes, de son vrai nom, était un aide-comptable dans une société de câblage jusque dans les années 1930. Que d'éloges de la part du personnel de l'entreprise et de ses supérieurs. Employé modèle, à ceci près que suite à une prise de conscience soudaine il hâta son départ de l'entreprise en direction de l'Amérique du Sud avec le contenu de la caisse, soit l'équivalent à l'époque de plusieurs années de salaire. Ce pécule ne fit pas long feu. Il le dilapida à vive allure. C'est à cette époque, pour les besoins de la cause, que Raymond Théodore Barthelmes devint Henri Calet. Après tours et détours de l'autre côté des exotismes, il revint à la case départ. Parisien de coeur et d'âme, sa ville lui manquait. Homme raffiné et intelligent, fin lettré, il est mort d'ennui, pourrait-on dire, à l'âge de 52 ans. Un poil trop tôt, non ?
Henri Calet est un monsieur qu'on lit et qu'on a envie de découvrir au-delà de ce seul livre. Dans cette époque bidon, il est bon de trouver au coeur de la délicatesse, non pas un refuge lâche, qui ressemblerait à une sorte de fuite aveugle, mais la source où étancher une soif naturelle. N'allez pas penser (ce serait très grossier) que Calet était une espèce de dandy trimballant une élégance sulfureuse de salon en salon pour le seul plaisir d'un ego en mal de d'adulation. Cet homme en avait dans le calcif. Ce monsieur venait de la basse et avait traîné guêtre sur le pavé parisien plus qu'à son goût. Misères et joies dans le même paquet, c'est sans surprise que la vie le poussait tantôt vers l'une, tantôt vers l'autre. De père anar, un coup ici, les dix suivants vers là-bas; une mère flamande, grattant le parquet pour subsister, rongeant une frustration latente, mais gardant silence, pleine d'abnégation, l'enfance de Calet n'est pas de celles qu'on trouve chez les mondains. Il en parle avec beaucoup de tact. C'est ça la délicatesse des grands esprits, ne pas s'attarder sur sa petite personne. De son extraction modeste il a gardé le goût du travail bien fait et un naturel très original. Tous ceux qui l'ont croisé, Camus entre autres, séduits, l'affirmaient : un atypique. Un non inféodé. Un anar. Un type classe. Dans ses articles, pour Combat ou dans l'hebdomadaire Terre des hommes, on aimait ses papiers pour la liberté de ton et la singularité des sujets. Jamais là où on l'attendait, mais toujours au bon endroit. « Ses articles n’étaient pas tout à fait comme les autres. », a-t-on dit à leur sujet.
Revenons à Paris. Paris et Calet n'en font qu'un. Où qu'il se trouve, Paris l'accompagne. Quand on lit ce qu'il écrit au sujet de cette maîtresse négligée mais jamais oubliée, au moment des retrouvailles, on sent qu'à l'intérieur de cette passion amoureuse et poétique couve un feu que même la mort est impuissante à éteindre. Il sait tous les chemins, il connaît tous les plaisirs. Au bruit du pavé, il vous dit de quel côté de la Seine vous vous trouvez. Au son de la pluie qui tombe sur les toits, il sait « les plans, les matériaux, les classes, les âges, les beaux et les vilains quartiers… » Allez demander à cette maitresse de changer d'amant. « Les souvenirs sont comme des lianes… », écrit-il. Quand il parle du petit Montrouge, son point de référence, son lieu de naissance, ses racines, il est impossible de ne pas les aimer : Paris et Henri Calet.
Le tout sur le tout - Henri Calet - L'imaginaire - Gallimard - 7€ environ

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