|  | 
| Illustration B.mode, ruminances | 
Rien n'est plus horrible que l'attente. L'attente  c'est la mort. La mort à petit feu. L'espoir des bonnes nouvelles qui  n'arrivent jamais. Collé au front, il vous colonise, vous empêche de  penser à autre chose. L'espoir, toujours l'espoir… Il vous interdit  toute forme de pensée. C'est ça l'espoir, attendre un putain de moyen de  transport qui ne te conduira jamais là où l'évasion t'appelle. L'espoir  c'est la douleur du désespoir sans remède, c'est de ne plus rien  espérer, ne plus vouloir penser à quoi que ce soit, surtout pas à  l'espoir.
L'espoir c'est la vie. C'est le coma et ta punition,  ton connard de caillou de Sisyphe que tu roules dans ton sensorium de la  naissance à la mort.  L'espoir est une île déserte où jamais rien ne vient. J'avais graillé  de l'infini, accroupi au bord de cette grève à contempler la ligne  d'horizon sans que jamais rien n'arrive. Sans que jamais rien ne  s'échoue, à part quelques bouts de branchages que les vagues poussaient  dans le roulis des galets. Ça, et parfois quelques bouteilles sans vie et sans messages. J'étais là à lancer le glaviot sur l'écume, l’œil chavirant  d'ennui, le cerveau aussi sec qu'une branche morte.
Louis-Ferdinand Céline, on est pour  ou on est contre, influencés que nous sommes par l'étiquette.Il était comme ça, Céline : à l'intérieur et à  l'extérieur de la réalité. Il était une île qui dérivait selon des lois propres. 
Le temps passe, passe et, vous regardant, le bouquin, tout comme vous, prend la poussière, mais pas de rides. Une  partie de poker menteur d'où le lecteur finit heureusement par s'affranchir. Vaincu par la curiosité, sa lecture vous laisse totalement stupide, ébranlé, secoué, remué, coupable  de l'avoir délaissé. A présent heureux d'avoir joui sans entrave devant la puissance d'une œuvre de mort, de souffrance,  d'errements, de génie, d'esprit non conventionnel…
Désormais vous vous en voulez de ne pas vous être  révolté plus tôt contre le carcan des idées reçues. A vous croire intelligent. A vous trouver  supérieur, alors que vous n'aviez qu'à être vous même, à vous laisser  bercer par la musique des mots et le râle des souffrances. Docile comme un toutou, vous avez appliqué à la lettre l'un des  préceptes du catalogue des étiquettes : « à ta lecture jamais je ne succomberai !»  Le temps continue de passer, la vue baisse a mesure que monte votre  envie de continuer de lire. Parce que votre vie, c'est cela, lire, lire.  Lire encore et toujours. Lire, non pas ces fadaises qu'on adorne du  bandeau rouge du mégot littéraire récompensé, qu'on vous pousse à consommer tous les ans en guise d’œuvre littéraire. Lire pour s'enfuir, pour découvrir  le livre, la couleur et l'odeur de l'encre. Noire. Formidablement noire.
Faire un résumé de « Mort à Crédit »  c'est pareil que de dire à un gamin  "ne saute pas, tu risques de te faire mal". Quand on est au balcon d'un  immeuble au 30ème étage cela tombe dans le sens. C'est pourtant la  connerie que je fais, écrire sur Céline en vous invitant au plongeon. Lisez-le et foutez-vous la paix  avec des histoires de conscience. Dites-vous une seule chose : il  criait si fort sa douleur que tout le reste n'est rien à côté. Et si  vous n'avez pas envie d'écouter sa détresse laissez-vous emporter par  son talent. Par sa poésie. Si grande ! Si riche !
Parvenu à ce point, je ne puis m'empêcher de faire  appel à un très grand chef de gare. Le meilleur de tous les chefs de gare. Je parle de monsieur Frédéric Dard, le paternel d'Antoine San-Antonio. Voici ce qu'il écrivait à propos de ce livre et de son auteur : ” Mort  à crédit est pour moi le bouquin le plus important de ce siècle. Parce  qu'il contient toute la détresse de l'homme. A côté du cri de Céline,  moi, je pousse des plaintes de chiot qui a envie de pisser. Lui, il l'a  balancée sa clameur ! Elle est intacte, satellisée au-dessus de nous. On  ne peut rien y toucher. C'est toute la misère de la vie, toute  l'angoisse, toute la mort. C'est plein d'amour, c'est plein de pitié,  c'est plein de colère, c'est plein d'éclairs, de mains tendues, de  poings brandis, de mains tendues qui se transforment en poings. Et puis  de désespoir. Parce que le désespoir, c'est la vie. Lui l'a su.“
Un frisson dans la nuque !
Un frisson dans la nuque !
 
Bonjour les gens. Izia - So much trouble - en musique du Jour, colonne de droite.
RépondreSupprimer