mercredi 8 juin 2011

Sébastien Japrisot – La passion des femmes

Malgré une grande activité, physique et intellectuelle, je ne peux pas dire que mon bonheur soit comble. Maudite actualité qui m'enfonce la tête dans la béance de l'actualité avec son cortège d'horreurs et de manipulations criantes.
Quelque chose m'étouffe, comme si soudain une fissure s'ouvrait un chemin au cœur du volcan pour éclater à la surface. Quand le malaise fourmille, pris de panique, je file sur le bord de mer et je regarde la ligne paisible de l'horizon pour décrypter le message imaginaire qu'elle offre aux esprits fatigués.
Les vagues, comme les livres, ont toujours une explication pour toute chose. Coupé du monde, je cherche dans le désordre de mes livres la note de hasard qui prolongera la ligne d'océan qui m'apaise.
De Sébastien Japrisot, je ne connaissais que les adaptations cinématographiques, des films, « l'été meurtrier », « les enfants du marais » ou encore « Compartiment tueurs » de Costa Gavras. Jamais lu un livre de Japrisot. C'est pourtant celui-ci qui m'attendait dans mon grenier, tout en haut d'une pile. Je l'ai saisi, ai lu les premières lignes, l'ai embarqué, monté à bord et me suis laissé dériver avec le courant jusqu'aux confins de sa lecture.
« La passion des femmes » se lit comme un polar, se médite comme une quête métaphysique et s'illustre comme un film dont la bobine ne cesse de projeter du flash-back sur l'écran de vos pensées. Un livre n'est que cela, une succession de retour sur bobine : un homme, une plage, une décharge de chevrotine qui macule de sang un polo blanc, la vie qui file et qui défile, huit femmes et autant de destins... Un métal des plus sûrs pour sertir les pierres merveilleusement cruelles de la vie, du rêve et des cauchemars qui l'illustrent.
« Ce jeune homme obstiné – c'est ainsi qu'il se désigne quand il parle de lui – avance en titubant le long de l'océan, courbé sur sa blessure, et il ne sait ni d'où il vient ni où il va... » C'est peu et c'est déjà beaucoup pour chercher à suivre l'empreinte que ses pas laissent sur le sable.
Au fil de la lecture, nous allons découvrir, au hasard du regard qu'on lui porte, que chacune des femmes possède sur le jeune homme la facette d'un autre personnage. D'une autre intrigue. Est-ce vraiment lui, ou s'agit-il, simplement, du profil que la narratrice fait d'elle-même ?...
Qui de Emma, de Bélinda, de Zozo, de Caroline, Frou-Frou, Yoko, Toledo ou Marie-Martine a appuyé sur la gâchette par deux fois ?... Crime individuel ou folie collective ?... Mais le mort est-il vraiment celui qu'on cherchait à tuer ?... Celui dont on voulait effacer la trace ?... Des questions et un seul bonheur, celui de la lecture.
C'est en lisant ce livre, où chaque histoire est une nouvelle, un portrait croisé de la victime et de la narratrice du moment, que vous saurez ou ne saurez jamais rien...
La seule chose que je sais, après que les mouettes se sont tues, est que « par-delà les dunes et les pins de la forêt, une cloche sonne à nouveau, comme elle le fait de plus en plus impatiemment depuis quelques minutes, et ce jeune homme aventureux bien évidemment ne bouge pas – mais il ouvre quand même un œil... »
Et le couchant à soudain allumé un phare dans les ténèbres.


La passion des femmes - Sébastien Japrisot - collection folio - 5/6€ environ

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