mardi 19 février 2013

Notes de lecture -Jeune Utopie & Anarchie manifeste - Rémi Begouen

Illustration couverture M art' IN
Rémi a publié un essai que je viens de lire. Ayant pratiquement tout lu de son travail au fil d'une longue amitié, cette dernière parution est, à mon sens, la meilleure d'une production abondante, laquelle ne se limite pas à la seule écriture de livres dits « sérieux », puisque Rémi est poète et photographe. L'association des deux donnant phoète, terme qu'il utilise quand on lui demande « ce qu'il fait dans la vie ».
La conception et la rédaction d'un livre, quel qu'en soit le genre, est une démarche obsédante qui conduit l'auteur en des territoires inconnus : au point final « libérateur », il sait que pour « bien faire » il lui faudrait tout « reprendre ». Qu'est-il d'autre, un livre, sinon une utopie ?...
Bien que je sois rétif à toute forme de manifestation doctrinaire, au confinement de la pensée dans un dogme, si pétri de bonnes intentions soit-il, je trouve chez Rémi trame de ce qu'il a toujours été : un homme de culture et de conviction. Acharniste de l'utopie, saltimbanque des étoiles. Par ces temps infiniment délétères, persister à faire entendre sa « petite voix » demande beaucoup de courage. Courage que je salue sans flagornerie. Et en toute liberté.
Mon pessimisme grandissant choque ceux de mes amis qui font de l'utopie une réalité palpable et si, à titre personnel, le rêve est mon principal bagage, je peine à m'aventurer sur le terrain glissant de la politique sans chausser des antidérapants, fringué d'une combinaison antiradiation.
Les arguments qui valident ce défaitisme ne sont pas de ceux qu’on écarte ou qu’on méprise d’un revers de main, par excès de « bonnes intentions » ou par ce que j'appellerai un manque objectif de lucidité... L’humain est tout et n’est rien d’autre qu’une machine à fabriquer sa propre déchéance : il rêve d’utopie, mais il a peur du soleil. Il déteste les chaînes, mais il fait tout pour en fabriquer des plus solides. Et quand d’aventure l’une d’elles se brise, au lieu de se réjouir, le voici perdu dans un océan de perplexité, cherchant, non pas à s’éloigner de son lieu de captivité, à gagner le large pour faire le plein d’oxygène, à découvrir de nouveaux horizons, mais à trouver le moyen absolu pour en fabriquer des plus solides dans l'acier de sa soumission. Pour ne plus avoir à supporter le trop plein de lumière. Sur ce point, et sur certains autres, mes vues divergent de celles de l'ami Rémi, qui, en bon optimiste, tend à penser que l'hirondelle fait le printemps. Qui pour l'en dissuader ? Pas moi !
En bon géographe et historien qu'il est, Rémi n'est pas dupe au point d'oublier cette donnée. Il sait d'expérience ce qu’histoire cyclique veut dire, aussi bien dans ses avancées que dans sa forme régressive, raison pour laquelle il s'est donné pour mission de rester vigilant, avec la crainte d'un retour vers cet état sauvage contre lequel l’homme se bat depuis que sa conscience s’est ouvert un chemin dans l'océan de ses peurs.
Cet essai totalise en une synthèse fourmillante l’ensemble des tâches à mettre en œuvre pour que le pire ne nous revienne. De « l'animal homme », au monde ouvrier, en passant par l'argent, son emprise sur le monde, sa folie capitaliste, le syndicalisme, la sexualité ou le nucléaire, Rémi dénonce et détaille les tâches « urgentes » auxquelles l'homme d'aujourd'hui doit s'y atteler s'il veut continuer à espérer en un futur humanisé.
Trois annexes exhaustives, sur l'Algérie, son combat de toujours, Notre-Dame-des-Landes et un vécu personnel de communiste libertaire, ajoutent de la densité à un sujet bien pourvu. 
En mettant en exergue le poète-auteur-compositeur-interprète belge, Jofroi, célébré dans les années 70, et en parsemant son travail de quelques poèmes au choix judicieux, Rémi installe la poésie dans le champ politique, ce qui à mes yeux est en soi un vaste chantier, politique et artistique n'ayant jamais fait bon ménage :
« Il y a tant à s'émerveiller, partager, donner, recevoir. Tant de regards, de sourires, poignées de mains généreuses, d'épaules solides, d'instants de bonheur, de caresses douces et de fragilités magnifiques. Tant d'amours, d'espoirs et de rêves bon et fous. Rester debout, vivre autrement, une vision du monde optimiste envers et contre tout. »
Essai transformé !

Pour commande et contact : remi.begouen@free.fr

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