Illustration couverture M art' IN |
Rémi
a publié un essai que je viens de lire. Ayant pratiquement tout lu
de son travail au fil d'une longue amitié, cette dernière parution
est, à mon sens, la meilleure d'une production abondante, laquelle
ne se limite pas à la seule écriture de livres dits « sérieux »,
puisque Rémi est poète et photographe. L'association des deux
donnant phoète, terme qu'il
utilise quand on lui demande « ce qu'il fait dans la
vie ».
La
conception et la rédaction d'un livre, quel qu'en soit le genre, est
une démarche obsédante qui conduit l'auteur en des territoires
inconnus : au point final « libérateur », il sait
que pour « bien faire » il lui faudrait tout
« reprendre ». Qu'est-il d'autre, un livre, sinon
une utopie ?...
Bien
que je sois rétif à toute forme de manifestation doctrinaire, au
confinement de la pensée dans un dogme, si pétri de bonnes
intentions soit-il, je trouve chez Rémi trame de ce qu'il a
toujours été : un homme de culture et de conviction. Acharniste de
l'utopie, saltimbanque des étoiles. Par ces temps infiniment
délétères, persister à faire entendre sa « petite
voix » demande beaucoup de courage. Courage que je
salue sans flagornerie. Et en toute liberté.
Mon
pessimisme grandissant choque ceux de mes amis qui font de l'utopie
une réalité palpable et si, à titre personnel, le rêve est mon
principal bagage, je peine à m'aventurer sur le terrain glissant de
la politique sans chausser des antidérapants, fringué d'une
combinaison antiradiation.
Les
arguments qui valident ce défaitisme ne sont
pas de ceux qu’on écarte ou qu’on méprise d’un revers de
main, par excès de « bonnes intentions » ou par
ce que j'appellerai un manque objectif de lucidité... L’humain est
tout et n’est rien d’autre
qu’une machine à fabriquer sa propre déchéance : il rêve
d’utopie, mais il a peur du soleil. Il déteste les chaînes, mais
il fait tout pour en fabriquer des plus solides. Et quand d’aventure
l’une d’elles se brise, au lieu de se réjouir, le voici perdu
dans un océan de perplexité, cherchant, non pas à s’éloigner de
son lieu de captivité, à gagner le large pour faire le plein
d’oxygène, à découvrir de nouveaux horizons, mais à trouver le
moyen absolu pour en fabriquer des plus solides dans l'acier de sa
soumission. Pour ne plus avoir à supporter le trop plein de lumière.
Sur ce point, et sur certains autres, mes vues divergent de celles de
l'ami Rémi, qui, en bon optimiste, tend à penser que l'hirondelle
fait le printemps. Qui pour l'en dissuader ? Pas moi !
En
bon géographe et historien qu'il est, Rémi n'est pas dupe au point
d'oublier cette donnée. Il sait d'expérience ce qu’histoire
cyclique veut dire, aussi bien dans ses avancées que dans sa forme
régressive, raison pour laquelle il s'est donné pour mission de
rester vigilant, avec la crainte d'un retour vers cet état sauvage
contre lequel l’homme se bat depuis que sa conscience s’est
ouvert un chemin dans l'océan de ses peurs.
Cet
essai totalise en une synthèse fourmillante l’ensemble des tâches
à mettre en œuvre pour que le pire ne nous revienne. De « l'animal
homme », au monde ouvrier, en passant par l'argent, son
emprise sur le monde, sa folie capitaliste, le syndicalisme, la
sexualité ou le nucléaire, Rémi dénonce et détaille les tâches
« urgentes » auxquelles l'homme
d'aujourd'hui doit s'y atteler s'il veut continuer à espérer en un
futur humanisé.
Trois
annexes exhaustives, sur l'Algérie, son combat de toujours,
Notre-Dame-des-Landes et un vécu personnel de communiste libertaire,
ajoutent de la densité à un sujet bien pourvu.
En
mettant en exergue le poète-auteur-compositeur-interprète belge,
Jofroi, célébré dans les années 70, et en parsemant son travail
de quelques poèmes au choix judicieux, Rémi installe la poésie
dans le champ politique, ce qui à mes yeux est en soi un vaste
chantier, politique et artistique n'ayant jamais fait bon ménage :
« Il
y a tant à s'émerveiller, partager, donner, recevoir. Tant de
regards, de sourires, poignées de mains généreuses, d'épaules
solides, d'instants de bonheur, de caresses douces et de fragilités
magnifiques. Tant d'amours, d'espoirs et de rêves bon et fous.
Rester debout, vivre autrement, une vision du monde optimiste envers
et contre tout. »
Essai
transformé !
Pour
commande et contact : remi.begouen@free.fr
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